Pierre-Yves Bian, vainqueur du Manx-GP revient pour nous sur sa saison 2019 plutôt riche en rebondissement et nous annonce déjà une partie de son programme 2020. Installez-vous confortablement, bouclez votre jugulaire, on embraque pour un récit -à fond à l’heure- !
PMMC : Pierre-Yves, comment as-tu mûri ta participation au Manx-GP 2019?
PYB : J’ai préféré passer par la case Manx-GP avant d’aller au TT, ceci alors que j’avais été pris directement, ce qui est rare. Mais au Manx tu es plus encadré et j’y allais sans prétention. Je n’avais pas envie d’être sur le devant de la scène et sous pression comme on peut l’être au TT je pense, c’est assez dangereux comme ça. Et surtout je ne savais pas si ça allait me plaire car c’est différent du reste.
PMMC : Comment as-tu orchestré tout ceci sachant que ta collaboration d’avec le team Optimark a été avortée en cours de saison?
PYB : Ma séparation avec Optimark a été un énorme coup dur pour moi. On m’a promis monde et merveilles et j’ai été pris pour un torchon qu’on balance… Je ne souhaite à personne d’être traité comme ça. J’ai fait tout ce qu’il fallait point de vu résultat & co : les meilleurs chronos dans le Team, aidé mon coéquipier etc.. Incompréhensible…Après ça, j’ai eu à coeur d’aller à Imatra 15 jours plus tard avec ma R6 fournie par Profil Motos et le soutien de mes sponsors, famille et amis. Même AMR, un sponsor d’Optimark qui n’a pas aimé qu’on me jette comme ça, m’a prêté un camion. Et son fils Kayou est venu me filer un coup de main en Finlande! Mais à Imatra ça s’est très mal passé. Pourtant Imatra est magique pour moi avec ma première victoire internationale en 2017. Bref, une moto neuve que j’ai fini de roder le vendredi en essai libre et sous la pluie, en qualif 1, je chute assez lourdement et la moto est très abîmée. A ce moment-là, je chialais sous mon casque et je me demandais ce que je foutais là. Après être rentré chez moi, j’ai voulu tout arrêter. J’ai déprimé une bonne semaine, je n’avais plus goût à rien. Mais le lundi d’après, coup de tel, Marti, le boss de Martimotos m’appelle et me dit : « Tu veux faire le Manx-GP ? Je te prends dans mon équipe ». Je ne savais pas vraiment si j’en avais réellement envie. J’étais chez Lucas (ndlr : Mahias) une semaine après sa course de Donington quand on s’est rappelé avec Marti et qu’on s’est dit : « c’est parti ! ». Je me souviens des paroles de Lucas qui m’a dit : « Si tu le fais, tu fais tout comme il faut en amont, sinon tu restes chez toi, c’est trop dangereux là-bas ». On était en juillet. Je me suis mis à me ré-entrainer et en quelques jours, j’avais retrouvé la hargne et surtout l’envie de faire de la moto ! Mon but en allant sur l’ile de Man était de surtout tout mettre en œuvre pour rouler en sécurité.
PMMC : Avec qui es-tu parti là-bas et combien de temps et raconte-nous ta victoire ?
PYB : Je suis parti sur l’île de Man tout seul depuis Annecy en camion avec ma R6 stock, refaite depuis Imatra par mon père et aux nouvelles couleurs Martimotos. J’ai pris le bateau et je suis arrivé sur l’île 3 jours avant le premier essai pour apprendre le tracé. 60km c’est long. Marti avait loué une maison à Crosby pour les 2 semaines. J’étais au top. Mon pote suisse John Pilloud, qui a roulé l’année d’avant au Manx, est venu exprès me filer un coup de main pendant les essais. Mon père et ma copine sont venus pour la semaine de course. L’ambiance dans le Team Martimotos était parfaite, familiale. Je me suis vite intégré parmi toute l’armada espagnole. Une super ambiance, décontractée, par contre, quand ça bosse, ça bosse.
Les premiers essais se sont bien passés, mais nous avons seulement pu faire 6 tours avant les courses à cause du mauvais temps. Le moment -déclic- du Manx a été mon 5ème tour d’essai ou j’ai roulé en 19’35, en ayant été gêné et doublé 10 mecs pendant mon tour. Marti était dingue et me disait que c’était très rare ici qu’un Newcomer soit aussi vite direct en si peu de tours. J’ai pris la pole position avec presque 1 minute d’avance sur le second des 30 newcomers ! Avant la course de 4 tours le mardi, le stress n’était pas le même que d’habitude. C’est inexplicable mais je savais que je n’étais pas là pour rien et avant le départ, j’ai repensé à plein de chose : d’où je venais et ce que j’avais subi en juin dernier. En course, je savais au vu de mon rythme en qualif’, qu’il y avait moyen de gagner si je ne faisais pas le con. Dans mon 2eme tour, je suis tombé en réserve d’essence dans la montagne à -Verandah Corner-, bien plus tôt que d’habitude car mon rythme était plus rapide qu’aux essais. J’ai dû couper et rouler tranquille sans trop tirer dans la R6 pour rallier la voie des stands vers le pit-stop de la mi-course. J’y arrive quasi en panne sèche! Nous n’avions pas de gros réservoir. Et puis je réalise mon meilleur temps en 19’28. Marti m’informe que j’ai plus de 40 secondes d’avance sur le 2eme. Je décide donc d’assurer et dans mon dernier tour et même scenario : pas assez d’essence. J’effectue la même chose qu’au 2eme tour jusqu’à franchir la ligne. C’est quand j’ai vu le Team, Marti et mon père en parc fermé que j’ai vraiment réalisé que j’avais gagné. Je n’ai jamais vécu un moment aussi beau et Magique dans ma carrière. Deux mois auparavant, tout n’était qu’un désastre et puis là, je venais de gagner sur l’Ile de Man ! Au Manx-GP Newcomer ! Déclencher La Marseillaise là-bas a fait plaisir à beaucoup de monde et ça, c’est juste grandiose!
PMMC : L’engouement des pilotes Français pour l’île de Man explose. Ces derniers te paraissent-ils bien préparés et suffisamment lucides face à la dangerosité de la chose ou bien penses-tu qu’il faille mettre en alerte toute cette nouvelle génération ?
PYB : Pour moi, peu de français y vont suffisamment préparés. L’île de Man, le TT, le Manx, c’est clair que ça donne envie à beaucoup et c’est génial. Mais c’est effrayant quand tu vois certains mecs vouloir s’inscrire en ayant fait seulement 1 ou 2 courses sur route et se pointer sans expérience. Et pour moi, ces mecs-là n’ont aucune conscience et aucun respect pour eux même, pas plus que pour l’île. Je conseille vraiment de passer déjà par l’IRRC (ndlr : International Road Racing Championship) et d’y faire plusieurs courses avant de s’inscrire au Manx, car c’est encore très différent, un cap très au-dessus. Car même si on y va sans ambition, le danger est partout et il faut vraiment mettre tout en ordre pour y rouler en sécurité.
PMMC : Penses-tu avoir touché quelque chose de totalement inégalable en roulant là-bas ou bien est-ce seulement dans la continuité logique de ton approche sportive ?
PYB : l’île de Man c’est très différent du reste. J’ai fait l’IRRC, la NW200, mais c’est incomparable. J’ai voulu avoir de l’expérience en course sur route avant de venir sur l’île de Man. Et maintenant que j’ai fait un bon Manx-GP, que ça m’a plu, j’irai au TT. Mais juste dans le but de progresser, je ne me fixe pas de résultat ni de chrono, juste continuer d’apprendre le tracé et y être rapide dans les années à venir. Mais je veux prendre mon temps et ne pas griller d’étape.
PMMC : Raconte-nous également comment s’est monté l’opération avec la Paton en IRRC?
PYB : Pour la Paton, le patron du Team est venu me parler au Manx et m’a dit qu’il me suivait avec mes résultats à la NW200 et en IRRC. Après les qualif’, il est venu me voir et m’a demandé si on pouvait discuter. Nous nous sommes vus après la course et il m’a proposé de rouler à Frohburg pour essayer la moto. J’ai donc pu y rouler avec la Paton officielle et je me suis vite adapté en faisant pôle-position, victoire et record de la piste en 1’44’’0 (l’ancien record de Stefano Bonetti, vainqueur de la NW200 était en 1’45’’1 avec cette moto). Nous avons donc logiquement trouvé un accord (rires) !
PMMC : Et concernant le Rallye Routier?
PYB : Pour le rallye routier c’est SW Motech et directement Aurelien Szulek qui m’a proposé de rouler à la finale du rallye de Charente. J’ai accepté car c’est une discipline que je ne connaissais pas et j’aime essayer de nouvelles choses. Aurélien m’a tout organisé et m’a proposé une KTM 790 mise à disposition par CTM83 et Herve Ricord, déjà bien présent en chpt de France des Rallyes. Ça m’a bien plu et j’ai dû m’adapter rapidement à des conditions différentes de ce qu’on trouve en Road racing. Là, il y a des graviers et parfois même de la terre sur la route. Les pneus doivent être homologués et je n’avais jamais roulé avec des pneus de série sous une pluie battante ! C’était assez drôle car j’ai dû rouler seulement 3 fois en moto sur route ouverte ( j’ai passé mon permis moto seulement en 2016 grâce à Loic du Pôle Mécanique d’Ales qui m’a trouvé une bonne Moto-Ecole pour pouvoir faire de l’enduro). Aucun essai avec la moto, j’ai dû m’adapter direct et finalement, je fais 3eme de ma catégorie et 8eme au général ! Vraiment surpris et je rate le scratch général d’une étape pour 1 seconde. C’était vraiment fun, je reviendrai sûrement faire 1 ou 2 courses du championnat avec Aurélien et Hervé la saison prochaine.
PMMC : Et pour cette année 2020 ?
PYB : Je reviens très vite vous annoncer le programme complet mais ce qui est sûr, c’est que je roulerai au TT!
Merci au PMMC et à bientôt !
PY